Marc Moret | Des forteresses contre l'angoisse
13.10.2024 - 02.02.2025
Crédit photo: Alexandre Gross
Marc Moret | Des forteresses contre l'angoisse
13.10.2024 - 02.02.2025
Marc Moret (1943-2021) crée ses sculptures personnelles avec des os, des mèches de cheveux ainsi qu’avec des objets ayant appartenu aux membres de sa famille : des articles de mercerie de sa mère disparue ou des parties du lit de ses grands-pères. Il les enfouit dans un mélange de colle, comme pour fixer le passage du temps. Ces étranges créations d’Art Brut sont réunies au premier étage de sa ferme, où il se rend le soir et se recueille dans le silence, en contact avec ses défunts.
Ses singuliers « collages » sont présentés au Musée gruérien avec, en regard, plusieurs oeuvres propres à la religion catholique (reliquaires, gisant) qui l’ont marqué et dont ses sculptures sont empreintes. Un ensemble de peintures révélant une autre facette de l’artiste vient enrichir cette exposition.
Diverses photographies montrent Marc Moret dans sa ferme, à Vuadens, sur son lieu de vie et de création. Dans un court-métrage de la RTS, il dévoile l’essence de sa démarche.
- Commissaire de l’exposition : Lucienne Peiry, historienne de l’art
- Scénograhe : Sarah Nedir, architecte
L'auteur
Chaque jour, Marc Moret monte au premier étage de la ferme familiale où il vit seul, à Vuadens, en Gruyère. Il pénètre dans la pièce où une vingtaine de hauts-reliefs reposent au sol, tels des gisants, sur des matelas recouverts de draps blancs. Le matin, il ouvre les fenêtres pour laisser entrer l’air et la lumière. Le soir, il les referme, s’accroupit parfois au chevet de ses sculptures et se recueille dans le silence de la campagne, se mettant en contact avec ses défunts. Son rituel accompli, il quitte les lieux, ferme la porte sur laquelle il dessine une croix avec son index.
Le créateur d’Art Brut suisse Marc Moret (1943-2021) a été marqué par des œuvres propres à la foi catholique – des reliquaires surtout – dont ses hauts-reliefs personnels sont empreints. Ceux-ci sont réalisés notamment avec des os et des mèches de cheveux ainsi qu’avec des objets ayant appartenu à des membres de sa famille : des articles de mercerie de sa défunte mère ou des parties du lit de ses grands-pères, qu’il considère comme des pièces commémoratives. Affranchi des règles, il crée des productions singulières en enfouissant ces objets dans un magma de colle comme pour les figer, fixer le passage irrémédiable du temps.
Sa production n’est toutefois pas seulement le reflet de ses douleurs personnelles ; sa recherche, de plus grande ampleur, touche à la condition humaine. Ses créations nous relient aux interrogations existentielles et philosophiques auxquelles nous sommes tous confrontés, qui dépassent les mots.
Reportage extrait de l'émission "Faut pas croire - Art brut: une marginalité créatrice".
Emission diffusée sur la RTS le 25 novembre 2017
La commissaire
Lucienne Peiry est une figure majeure dans le domaine de l'Art Brut. En tant qu'historienne de l'art spécialisée, commissaire d'expositions et conférencière renommée, elle a consacré sa carrière à promouvoir et à faire connaître cet art singulier.
Elle a dirigé pendant une décennie (2001-2011) la Collection de l'Art Brut de Lausanne, une institution de référence mondiale. Sous sa direction, le musée s'est considérablement enrichi et a acquis une renommée internationale.
Grâce à ses recherches approfondies, elle a découvert de nombreux artistes d'Art Brut à travers le monde et a contribué à enrichir les collections du musée. Elle a également organisé de nombreuses expositions, conférences et publications pour faire découvrir cet art au grand public.
En parallèle de ses activités de recherche et de commissariat, Lucienne Peiry a enseigné l'Art Brut dans plusieurs universités, partageant ainsi son savoir avec de nouvelles générations.
Son site : www.notesartbrut.ch
L’art brut, en quelques mots
par Lucienne Peiry
“Les créatrices et les créateurs d’Art Brut sont des personnes solitaires, excentriques, inadaptées, déviantes, souvent évincées du corps social, discréditées. Elles trouvent une raison d’être ou une issue à travers l’expression de leurs fictions, de leurs fantasmes et de leur imaginaire personnel: des peintures, des sculptures, des dessins ou des créations textiles qu’elles réalisent en autodidactes, sans suivre les règles et les usages généralement admis.
Ces personnes créent à contre-courant et n’éprouvent le besoin ni d’une reconnaissance ni d’une approbation sociale ou culturelle. Leurs productions, dont l’inventivité est stupéfiante, n’ont pas de destinataire identifié, dans le sens ordinaire du mot, car elles ne s’adressent qu’à eux-mêmes ou, parfois, à quelque entité imaginaire ou spirituelle.
Vivant dans l’isolement, voire l’exclusion, et ne trouvant pas ou guère de place dans la communauté dans laquelle elle ne peuvent ou ne veulent pas s’inscrire, ces créatrices et ces créateurs investissent l’expression artistique comme un droit à la parole qui leur a été soustrait dans la vie réelle. Leurs œuvres révèlent une «inquiétante étrangeté» et suscitent chez le spectateur tout autant la réflexion que l’émotion.” LP